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Regard d’Al­ti­tude : recen­ser les effets du chan­ge­ment clima­tique sur les milieux alpins


Dans un contexte de perte de connais­sance terri­to­riale et d’ac­crois­se­ment du dérè­gle­ment clima­tique affec­tant parti­cu­liè­re­ment les milieux monta­gneux, le projet Regard d’Al­ti­tude vise à struc­tu­rer et centra­li­ser de manière colla­bo­ra­tive les obser­va­tions des phéno­mènes natu­rels se produi­sant.
Sommaire

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Aver­tis­se­ment

Dans cet article, vous trou­ve­rez deux types de notes :

  • Notes signa­lées par des lettres (ex. : [A]) : elles clari­fient certains points tech­niques et expliquent des abré­via­tions qui pour­raient être moins fami­lières aux non-spécia­listes.
  • Notes numé­ro­tées entre crochets (ex. : [1]) : elles renvoient à des réfé­rences d’ou­vrages, d’ar­ticles ou de sites web pour étayer des affir­ma­tions.

Ces notes ne sont nulle­ment néces­saires à la compré­hen­sion de l’ar­ticle. Elles listent le travail docu­men­taire effec­tué et offrent au lecteur la possi­bi­lité d’ap­pro­fon­dir certains sujets.

Toutes les ressources mention­nées sont dispo­nibles en fin d’ar­ticle pour ceux qui souhaitent explo­rer davan­tage.

Contexte

De tout temps, les êtres humains ont souhaité s’ins­tal­ler au cœur des milieux natu­rels. Les montagnes ne font pas excep­tion à cette règle mais présentent des parti­cu­la­ri­tés qui les distinguent forte­ment des autres reliefs tels que les plaines. Ainsi, les personnes ayant fait le choix de s’ins­tal­ler dans ces lieux pour y habi­ter et travailler se sont volon­tai­re­ment expo­sées à de multiples risques : chute de blocs, avalanches, effon­dre­ments de glaciers, glis­se­ments de terrain, inon­da­tions, ravi­ne­ments, laves torren­tielles, etc.

Ces risques sont aussi nombreux que les varié­tés géogra­phiques exis­tantes dans ces terres d’al­ti­tude : hauts plateaux entaillés de vallées encais­sées, glaciers, falaises, séracs, ravins…

Perte de connais­sance terri­to­riale

Pendant des siècles, les hommes et les femmes qui ont fait le choix de s’ins­tal­ler sur ces terres d’al­ti­tude pouvaient comp­ter sur la mémoire collec­tive et la soli­da­rité dans les vallées pour connaître les risques asso­ciés à l’im­plan­ta­tion.

En France, par exemple, il est impé­ra­tif de prendre en compte le risque d’une avalanche centen­nale avant toute construc­tion en montagne, afin d’as­su­rer que le site ne devienne pas le théâtre d’une catas­trophe dans les décen­nies à venir. Cette connais­sance des risques, autre­fois trans­mise presque exclu­si­ve­ment par les « anciens », est désor­mais mieux docu­men­tée, notam­ment dans les villes et vallées. En Suisse, la démarche est simi­laire, mais avec une prise en compte des risques sur une échelle de 300 ans.[2]

Ces dernières décen­nies, avec l’aug­men­ta­tion crois­sante des construc­tions et des nouvelles habi­ta­tions dans ces lieux d’al­ti­tude, les risques asso­ciés augmentent propor­tion­nel­le­ment. Para­doxa­le­ment, du fait d’un accrois­se­ment des trans­ferts de popu­la­tions, la mémoire collec­tive et la connais­sance du terri­toire tendent à se dégra­der comme l’af­firme Blaise Agresti, Guide de haute montagne, ancien comman­dant du PGHM de Chamo­nix, dans son ouvrage « Une histoire du secours en montagne »[3]. Ces lieux qui présentent des dangers parti­cu­liers et qui ne devraient pas être igno­rés s’ex­posent donc de plus en plus à une perte de connais­sance terri­to­riale.

Il devient donc essen­tiel de pouvoir mettre en place une stra­té­gie de recueil des infor­ma­tions liées aux risques d’al­ti­tude adap­tée aux outils et tech­no­lo­gies doré­na­vant démo­cra­ti­sés et large­ment utili­sés pour tenter de pallier cette perte de connais­sance.

Nouveaux risques liés au dérè­gle­ment clima­tique

Par son acti­vité, l’ac­ti­vité humaine exerce une pres­sion accrue sur les écosys­tèmes et la biodi­ver­sité partout sur la planète. Le réchauf­fe­ment clima­tique et les enjeux écolo­giques doivent désor­mais être recon­nus comme des défis majeurs auxquels l’hu­ma­nité sera confron­tée dans les années à venir, des effets qui se mani­festent déjà aujour­d’hui.

Les terres monta­gneuses sont par essence des terri­toires et des écosys­tèmes fragiles pour lesquels le moindre dérè­gle­ment clima­tique peut rapi­de­ment pertur­ber les cycles natu­rels, qu’il s’agisse du cycle de repro­duc­tion des espèces, du cycle de l’eau, ou encore de la fréquence et de l’in­ten­sité des événe­ments météo­ro­lo­giques.[7] Dans ces terri­toires, le réchauf­fe­ment clima­tique se mani­feste de manière très concrète : dégel du pergé­li­sol*, fonte des glaces, effon­dre­ment glaciaire, ébou­le­ments, glis­se­ments de terrain. Ces phéno­mènes modi­fient en profon­deur la géomor­pho­lo­gie des montagnes, déjà tout à fait obser­vable quoti­dien­ne­ment dans nos pratiques alpines puisque certains sentiers autre­fois couram­ment emprun­tés sont aujour­d’hui deve­nus impra­ti­cables. Dans les Alpes, ce réchauf­fe­ment est consi­déré comme trois fois plus rapide que la moyenne mondiale au cours des deux dernières décen­nies.[5]

Dans la conclu­sion de son livre « Secours en avalanches », Pierre Muller (méde­cin urgen­tiste, secou­riste, guide de haute montagne) estime que « La carto­gra­phie des zones à risque doit être modi­fiée dans des propor­tions inédites, au-delà des secteurs jusque-là connus et réper­to­riés »[4]. Un travail impor­tant de mise à jour des données et d’ana­lyse des risques doit par consé­quent être mené sur l’en­semble des massifs, faute de quoi les popu­la­tions jusqu’alors proté­gées pour­raient s’ex­po­ser à des évène­ments clima­tiques inédits[A].

Consi­dé­rant ces nouvelles problé­ma­tiques, se déve­lop­pant à un rythme sans précé­dent, il est capi­tal de propo­ser rapi­de­ment un outil capable d’éta­blir une réponse adap­tée aux enjeux.

Avec le réchauf­fe­ment du climat, la dégra­da­tion du perma­frost est à l’ori­gine d’une inten­si­fi­ca­tion des proces­sus géomor­pho­lo­giques sur les versants de haute montagne. Dans les parois rocheuses, les écrou­le­ments se multi­plient et leur volume augmente, posant des problèmes de sécu­rité non seule­ment à haute alti­tude (infra­struc­tures, alpi­nistes), mais égale­ment pour les fonds de vallée.[1]

* Sol gelé en perma­nence et abso­lu­ment imper­méable

L’ou­til numé­rique comme solu­tion

Le projet Regard d’Al­ti­tude

C’est dans ce contexte que le projet Regard d’Al­ti­tude a été lancé, porté par le PARN en parte­na­riat avec le Parc natio­nal des Écrins, le labo­ra­toire LESSEM d’INRAE et le SNGM. Makina Corpus a réalisé l’en­semble des déve­lop­pe­ments pour créer l’ap­pli­ca­tion.

Ce projet vise à créer un outil carto­gra­phique permet­tant de recen­ser les diffé­rents événe­ments clima­tiques en alti­tude. L’ap­pli­ca­tion sert à la fois à affi­cher et docu­men­ter ces événe­ments, mais aussi à collec­ter des infor­ma­tions grâce à des formu­laires que les utili­sa­teurs peuvent remplir pour enri­chir une base de connais­sances parta­gée.

L’objec­tif du projet est égale­ment de s’ins­crire dans une approche de science parte­na­riale en mobi­li­sant les acteurs déjà présents en montagne, tels que les guides de haute montagne ou encore les gardiens de refuge.

Ainsi, le projet Regard d’al­ti­tude permet de répondre aux problé­ma­tiques suivantes :

  • Recueillir des infor­ma­tions sur les évène­ments natu­rels pour pallier la perte de connais­sance terri­to­riale
  • Propo­ser une plate­forme colla­bo­ra­tive de parti­ci­pa­tion citoyenne adap­tée aux usages numé­riques actuels
  • Sensi­bi­li­ser les usagers de la montagne en propo­sant un outil de visua­li­sa­tion et d’in­for­ma­tion sur les risques natu­rels
  • Anti­ci­per les risques futurs liés au dérè­gle­ment clima­tique
  • Centra­li­ser les contri­bu­tions dans une base de données pour analy­ser les infor­ma­tions et faci­li­ter la prise de déci­sion

Le projet réalisé est libre et permet de s’in­ter­con­nec­ter à d’autres outils via une API tel que Data Avalanche. L’idée derrière cette déci­sion est de permettre de synchro­ni­ser les infor­ma­tions tout en pouvant les diffu­ser sur d’autres plate­formes. Cette inter­opé­ra­bi­lité faci­lite la centra­li­sa­tion des données et tire parti des bases de connais­sances exis­tantes[B]. En outre, l’ou­til a été conçu pour être haute­ment para­mé­trable, afin de s’adap­ter aux enjeux spéci­fiques de chaque terri­toire. Cela offre la flexi­bi­lité néces­saire pour ajus­ter les conte­nus en fonc­tion des besoins locaux.

Regard d'altitude
Page de présen­ta­tion de Regard d’Al­ti­tude

Un projet colla­bo­ra­tif

Le projet Regard d’Al­ti­tude s’ins­crit dans une vision de partage des connais­sances, visant à rassem­bler les acteurs du monde de la montagne autour d’une démarche colla­bo­ra­tive. Son objec­tif est de permettre à chacun de contri­buer en décla­rant, loca­li­sant, docu­men­tant et clas­si­fiant les événe­ments clima­tiques suivants :

  • Avalanche
  • Chute de pierres
  • Phéno­mènes glaciaires
  • Incen­die
  • Glis­se­ments de terrain
  • Phéno­mènes torren­tiels

Les régions couvertes pour le moment dans cette phase de lance­ment du projet :

Logi­ciel 100% libre

Dans une démarche de partage, dès le début le logi­ciel a été publié en open source et sous licence libre. Cela permet à tout terri­toire de réuti­li­ser et d’adap­ter l’ou­til selon ses propres besoins.

Retrou­vez dès à présent le code source de l’ou­til sur GitHub : https://github.com/PnEcrins/RGAlt/

Pensé pour être utilisé sur le terrain – PWA

L’ap­pli­ca­tion déve­lop­pée est une PWA (Progres­sive Web App) permet à chaque personne de l’ins­tal­ler direc­te­ment sur son smart­phone. Ainsi, après avoir télé­chargé en mode hors connexion les fonds de plan souhai­tés, il est possible de réali­ser des contri­bu­tions direc­te­ment sur le terrain, même en l’ab­sence de connexion réseau. Les données saisies seront ensuite synchro­ni­sées auto­ma­tique­ment dès que la connexion inter­net sera réta­blie.

Construit itéra­ti­ve­ment

Grâce à une métho­do­lo­gie de projet agile, l’ap­pli­ca­tion a été déve­lop­pée de manière itéra­tive, en se concen­trant d’abord sur les besoins critiques. Le logi­ciel a ensuite été enri­chi progres­si­ve­ment, en tenant compte des usages et des retours des utili­sa­teurs sur le terrain. Cette approche de construc­tion néces­site l’im­pli­ca­tion de l’en­semble des parties mais garan­tit la livrai­son d’un résul­tat final sans surprise et conforme aux attentes.

Quelques fonc­tion­na­li­tés

Vue carto­gra­phique

Vue cartographique de Regard d'Altitude
Vue carto­gra­phique de Regard d’Al­ti­tude

Vue liste 

Vue liste de Regard d'Altitude
Vue liste de Regard d’Al­ti­tude

Vue détail d’une obser­va­tion

Vue détail d'un objet dans Regard d'Altitude
Vue détail d’une obser­va­tion dans Regard d’Al­ti­tude

Page d’ac­cueil et menu laté­ral

Page d'accueil (+ menu burger) de Regard d'Altitude
Page d’ac­cueil (et menu laté­ral) de Regard d’Al­ti­tude

Pour aller plus loin

Le sujet du dérè­gle­ment clima­tique et de son impact en alti­tude forme une problé­ma­tique vaste sur laquelle les connais­sances évoluent conti­nuel­le­ment. Si vous souhai­tez en savoir plus, nous vous invi­tons à consul­ter les ressources suivantes.

Notes complé­men­taires

Vitesse de déplacement des principaux processus de versant
Vitesse de dépla­ce­ment des prin­ci­paux proces­sus de versant [5]
  • [A] – À noter que les événe­ments suscep­tibles de mettre en danger direct les popu­la­tions sont les aléas avec vitesse de dépla­ce­ment supé­rieure à 1 m/s, géné­ra­le­ment dépen­dants de l’in­cli­nai­son de la pente : ébou­le­ment, écrou­le­ment, avalanche (rocheuse, de poudreuse, de neige dense, de glace, de séracs), lave torren­tielle, crue torren­tielle, coulée sèche ou de débris. [5], [6]
  • [B] – À titre d’exemple, la base de données de Data Avalanche regroupe à ce jour 5129 avalanches, dont 4638 géolo­ca­li­sées, ce qui permet­tra de complé­ter la carto­gra­phie de l’ou­til au démar­rage du projet, d’en­ri­chir l’ou­til tant pour convaincre les nouveaux usagers que pour aider à l’ana­lyse de données.[8]

Ressources biblio­gra­phiques

  • [1] Ludo­vic Rava­nel, Florence Magnin, Xavi Gallach, Philip Deline. Évolu­tion des parois rocheuses gelées de haute montagne sous forçage clima­tique, La Météo­ro­lo­gie, 2020, pp.34–40.
  • [2] Marc Givry, Pascal Perfet­tini, Construire en montagne, la prise en compte du risque d’ava­lanche, Minis­tère de l’Éco­lo­gie et du déve­lop­pe­ment durable, 2004.
  • [3] Blaise Agresti, Une histoire du secours en montagne, Glénat, 2018.
  • [4] Pierre Muller, Secours en avalanche, Homme & montagnes, Glénat, 2023.
  • [5] Ludo­vic Rava­nel. Évolu­tion géomor­pho­lo­gique de la haute montagne alpine dans le contexte actuel de réchauf­fe­ment clima­tique, Cahiers de Géogra­phie, n°8, pp.113–124, 2009.
  • [6] Charles Harris, Michael C. R. Davies, The assess­ment of poten­tial geotech­ni­cal hazards asso­cia­ted with moun­tain perma­frost in a warming global climate, Perma­frost and Perigla­cial Processes, n°12, pp.145–156, 2001.
  • [7] Tout savoir (ou presque) sur la neige et les avalanches, ANENA, 2011.
  • [8]Data Avalanche, [Consulté le 10 Mai 2024]

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