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Qu’est-ce qu’une typologie d’utilisateurs dans le monde du vélotourisme ?
Comment positionner rapidement un écosystème pensé autour du voyage à vélo et être rentable pour développer de nouveaux services autour de celui-ci ?
Dans l’univers du voyage à vélo, les perspectives de mettre en place des offres de parcours vélo pour découvrir des régions autrement sont de plus en plus fortes. Bon nombre d’acteurs se retrouvent à travailler et à exploiter ce domaine. Je vous explique ici comment positionner rapidement un écosystème pensé autour du voyage à vélo et être rentable pour développer de nouveaux services autour de celui-ci ?
Il faut apprendre de l’écosystème existant et considérer, de fait, le voyageur à vélo non comme un simple usager en bout de chaîne mais comme le créateur d’un récit d’usages. Expérience peu démocratisée, il nous faut mettre en place une fidélisation des « early adopters » pour en acquérir de nouveaux. Il faut aussi prendre en compte les acteurs du système à organiser en répondant à la question :
Qui sont-ils et comment les rendre parties prenantes ?
Une autre recherche décisive à mener est celle de l’analyse anthropologique des cyclotouristes.
Qui sont-ils ? Sont-ils une même tribu ou un ensemble d’ethnies ?
Par principe, ils sont cyclotouristes. Pour commencer à proposer une définition, un cyclotouriste est une personne qui vit un type de parcours vélo : qui le vit et non pas seulement le fait. Ceci implique alors des questions majeures.
Comment le cyclotouriste voit-il son parcours ?
Qu’est-ce qu’un parcours ?
Quelles sont les différentes manières de vivre son parcours ?
Toute personne qui a déjà fait un parcours à vélo dira qu’il y a différents types de comportements lors de son parcours. Des questions qui seront importantes à résoudre ; en effet, c’est lors d’un parcours d’usage que l’essentiel du contact avec l’usage raisonne et nous communique des informations. Il sera donc intéressant d’analyser les conjonctures possibles de l’échange avec les usages, nos équipes et les cyclotouristes. Et surtout, de distinguer quels rôles doivent jouer nos équipes projets et recherches en passant par l’imaginaire de cyclotouristes susceptibles d’utiliser ces futurs services : information, découverte, vente, SAV, etc.
Où et quand doit-on ou peut-on proposer une interaction et à quelle typologie de cyclotouristes ?
Si nous parlons ici de typologie des cyclotouristes, c’est un travail au préalable qu’il nous faudra faire.
Première étape : c’est l’observation qui consistera à détailler de façon relativement précise les étapes des cyclotouristes depuis les préparatifs jusqu’au voyage et au retour. Il ne s’agira donc pas d’écouter les voyageurs mais d’observer leurs faits et gestes au cours de leur parcours. Ce n’est que bien plus tard que nous pratiquerons des échanges par des ateliers types pour les faire discuter entre eux. En effet, pour comprendre un projet et le problème qu’il souhaite traiter, nous devons disposer d’une vision objective du trajet. Et, il faut insister sur le « du » : c’est la matière du trajet et non une analyse « sur » le trajet que nous proposerons par la suite durant les ateliers avec les cyclotouristes. Ceux-ci ne donnent que rarement à l’interviewer une version viable mais souvent une réécriture du parcours vécu. Ce travail d’ateliers et d’échanges viendra, dans un second temps, pour percevoir davantage d’éléments sensibles qui viendront alimenter, cultiver les projets. Nous pouvons, alors, analyser le parcours sous l’angle sémiotique.
Pourquoi ? Tout comme un texte, un parcours cyclotouriste a un début et une fin. Il fait l’objet comme tout récit d’un découpage en un nombre X d’étapes, qui se structurent selon certaines règles. Nous observons que ces étapes ne coïncident pas forcément avec des lieux, des étapes types mais sont cadrées par des interactions, des expériences susceptibles de redécouper des espaces, des lieux et des étapes elles-mêmes. Le parcours a une direction, avec un objectif final. L’observation des déplacements, tout au long d’un parcours X de cyclotouristes, montre que celui-ci est un récit d’aventures vers la finalité d’un lieu. Ce lieu est souvent propice au retour à la normalité de déplacement : train, bus, voiture. Le parcours ne sera donc pas une suite d’étapes improvisées. De ce fait, nous pouvons analyser sémiotiquement les parcours des cyclotouristes : ils ont du sens, ce qui nous permettra de les articuler et de construire une signification forte dans les réponses apportées par le service imaginé.
Nous avons donc mis en place deux stratégies pour croiser nos données : l’une se basant sur l’analyse de différentes études, notamment celle-ci : Spéciale économie du vélo : étude complète[1], pour bien comprendre l’écosystème du projet et faire un état des lieux sur le domaine. En parallèle, l’autre porte sur une observation de terrain des différents parcours imaginés comme potentiellement intéressants pour les différents projets autour des déplacement doux. L’idée est d’observer les parcours types, crayon en main, et de structurer un document de prise d’informations types pour que les observateurs puissent l’analyser de la même manière. Ce travail d’observation des ateliers de cyclotouristes, des ateliers de clients potentiels et de parcours vélo a mis en évidence 4 temporalités à observer.
- Les déplacements
- Le repérage
- La relation à l’environnement
- La perception des problématiques que souhaitent résoudre nos approches projets
Une analyse de tous les évènements de la notion de parcours devra être réalisée pour révéler, de manière objective, les problématiques d’usages imaginées ou observées partiellement de manière théorique. L’équipe devra alors partir sur un postulat de type de parcours.
- Parcours direct
- Parcours à étapes
- Parcours nécessitant un autre mode de déplacement
Il faut mettre en place des trajets types pour les 3 profils. Cela se fera avec des clubs et des Offices de Tourisme partenaires pour établir une POC test (Preuve de concept). Les parcours devront être repérés, segmentés et structurés puis mis en relation avec les parcours d’usages existants. Ce qui permettra d’imaginer un ensemble d’actions et de services pour chaque étape clé du parcours et de proposer ainsi des versions d’usages pour le service présenté.
Exemple, version 1 du site :
- Découvrir : communication sur le projet
- Rechercher : usage du site
- Choisir : usage du site
- Programmer : planification hôtels, gites, restaurants, trains, bus
- Partir : service du parcours
- Réaliser : service du parcours
- Revenir : déplacements Vélo, Bus, Train
Ce travail facilite la perception de phénomènes majeurs pour détecter les différents types de cyclotouristes :
- S’ils sont le nez dans leur guide
- S’ils voyagent sans détours
- S’ils prennent le temps de papillonner
- S’ils observent le paysage
- S’ils utilisent leur smartphone
- S’ils ont un parcours type
- S’ils prennent des chemins de traverse
- S’ils préfèrent les étapes sportives
- S’ils sont sensibles à la communication
- S’ils partagent avec d’autres cyclistes ou non cyclistes
- S’ils sont sur des timings précis, etc.
Ce travail consistera à détecter des parcours types de comportements et à dégager les récurrences et les similitudes. Pour mettre en évidence une « invariance dans la variation » selon l’expression de Jakobson, R. (1941) et ainsi détecter des éléments sur lesquels le service aura un réel impact et une réelle interaction.
Qu’entendons-nous par similitudes ?
Par exemple : être absorbé par son guide, son GPS, son smartphone, sa musique sont des similitudes de l’absorbation et s’opposeront à l’observation du paysage, aux discussions entre cyclotouristes, ou à la découverte d’un lieu qui sont, elles, des similitudes de l’attention.
Nous percevrons assez vite la notion de rouler sans détour dans des observations d’actions qui mettront en évidence la volonté de rouler, d’avaler du bitume, d’engranger les kilomètres. Si nous prenons un regard macroscopique sur l’observation d’un parcours de vélo, au-delà de la diversité figurative qu’il peut prendre, nous pouvons, détecter des types de parcours pour nous aider à affiner notre service. Ainsi, nous détecterons celui qui a optimisé son parcours et aussi celui qui a optimisé ses étapes. Celui qui est intéressé par le paysage et aussi celui qui passera plus de temps à sa prochaine étape ; celui-ci n’est pas celui qui va « timer » son étape. L’idée est de décrypter les parcours des cyclotouristes et de structurer leurs comportements.
Mais que faire des éléments du type : sexe du cyclotouriste, âge, but du voyage ? Ils viendront dans un second temps pour spécifier plus précisément chacun de nos types de cyclotouristes. Nous ne parlons ici que d’actions de voyage communes à tous avec, pour postulat de base, des parcours vélo pour la période la plus récurrente de pratique du vélo : de Mai à Octobre. Ce qu’il nous faut comprendre, dans un premier temps, c’est comment les gens voyagent à vélo et non dans quel but ils se déplacent. Puis dans un deuxième temps, nous nous interrogerons sur le pourquoi de leur voyage. Tout ce travail constitue un trajet en étapes d’interactions signifiantes. Nous pouvons alors percevoir que le parcours s’organise de manière simple :
Continuité VS Discontinuité.
Nous visualisons une diversité de séquences gestuelles, d’étapes, de débuts, de ralentissements, de reprises, de tensions, et de fins. Ceci met en valeur des flux, des automatismes pour certains qui neutralisent l’environnement ne laissant place qu’à l’acte de rouler. Que nous parlions de parcours aériens, ou de lignes de bus c’est le même problème : nous observerons des attitudes, des gestes, des regards, une concentration sur ce que l’on fait, gestion du GPS, passage des vitesses, etc. À l’opposé, d’autres trajets recherchent ou demandent des rythmes, des étapes clés. Ceci relève d’une stratégie de discontinuité, avec des diversités de paysages, ou des étapes atypiques, correspondant à un ensemble de parcours où le cyclotouriste donnera à avoir une réelle ouverture sur ce qui l’entoure. À partir de cela, la sémiotique propose un outil que nous transposons au design, en visualisant ces éléments sur un carré sémiotique type pour observer la structure de cet écosystème. nous poserons le système suivant :
Discontinuité Continuité
La visualisation de ces deux catégories met en lumière leurs deux négations respectives :
Non-continuité non-discontinuité
La non-discontinuité c’est chercher à anticiper l’obstacle pour le gommer, préparer en amont pour passer toutes les étapes du voyage rapidement. Nous aurons un besoin de précisions dans l’offre de parcours de vélo. La non-continuité, elle, correspondra à la coupure, l’interruption dans le parcours. Les usagers attendent de se laisser surprendre par l’inattendu au détour d’un virage. Ils seront ravis de se laisser prendre par les animations d’un village ou stoppés par un incident. Ces quatre façons de vivre un voyage à vélo représentent quatre valeurs ajoutées du trajet à vélo pour l’usager et nous donnent 4 typologies de cyclotouristes :
Les explorateurs : discontinuité
Les spécialistes : non-discontinuité
Les rêveurs : continuité
Les curieux : non-continuité
L’utilisation du carré sémiotique facilite la visualisation des différentes typologies qui peuvent créer du sens. Ce travail théorique nous amène à proposer des types de cyclotouristes en catégorie. Ces catégories devront être validées comme pertinentes et permettront de lister un ensemble de comportements par catégorie, des actions types, des gestes, que nous pourrons retrouver sur le terrain, quel que soit le lieu. L’idée ici est de mettre en lumière : La notion de vivre un parcours.
Ce qui nous conduira à proposer à chacun un package défini sur l’interface développée et des articulations d’actions précises tout au long du parcours et de la découverte de celui-ci ainsi qu’au retour d’expériences sur le parcours. Cette notion de « Vivre » un parcours implique un travail important, celui du signifié du parcours. En cherchant à produire leurs parcours sous une forme continue ou discontinue les cyclotouristes imaginent une pratique signifiante de leur parcours. Par des discontinuités opérées pendant le parcours, ils créent du sens, de la signification. Ce voyage acquiert alors une densité sémantique. Cependant, d’autres types de cyclotouristes peuvent automatiser leurs parcours en supprimant toute signification liée à leur déplacement puisqu’on ne peut pas vivre tout ce que l’on fait dans la vie comme étape signifiante de celle-ci (nettoyer, monter sur le vélo, déjeuner, gonfler un pneu). Et pourtant, ce fait de culture caractérise un mode de vie par rapport à un autre.
Ainsi, nous observerons que :
Pour les explorateurs, les parcours peuvent être considérés comme une production de sens, structurée de variations. Pour le rêveur, c’est le parcours neutre qui permet de faire autre chose, se ressourcer, planifier, décompresser, écouter de la musique. Le spécialiste, lui, propose une vision sportive du parcours vélo où le temps d’étape, la vitesse, les kilomètres et les calories formalisent le parcours structuré de gestes et d’étapes liés pour former une course. Le curieux, lui, cherchera l’émotion, l’expérience sur son parcours. L’événement sera un fait important de son périple. Nous pouvons donc analyser de manière fine cette production de sens, véritable activité sémiotique que nous propose ces typologies de cyclotouristes et de leurs parcours en créant du sens, en l’enrichissant ou le dégradant ou en l’oubliant pour pratiquer d’autres expériences.
L’étape suivante sera de confronter notre premier travail aux interviews de cyclotouristes types pour alimenter chacune des typologies et les affiner. Ces cyclotouristes sont-ils actifs ou inactifs ? quels sont les motifs de leurs parcours, la fréquence, la durée ?
Il nous faudra vérifier si ces cyclotouristes ont testé différents parcours de vélo. Nous proposons alors à ces cyclistes de raconter leur trajet, d’en donner les temps forts, les événements pour mettre en avant leur propre séquençage du voyage. Puis, nous ciblerons l’interview sur les éléments signifiants dont ils nous auront parlé et sur ceux que nous aurons nous-mêmes relevés pendant la phase d’observations et d’enquêtes. Ce qui nous conduira à parler d’espaces empruntés (routes, chemins, hôtel, gîtes, chambres d’hôtes, office de tourisme, gares) des animations, des services. Nous en viendrons ensuite aux questions sur les attentes afin d’améliorer leurs prochains parcours, sur l’information, l’assistance, la sécurité, etc.
Cela engendrera des propositions d’expériences en fonction des réactions de ces typologies.
- L’explorateur sera sensible à la mise en avant des lieux et des paysages en imaginant des parcours à forte valeur culturelle. Il voudra retrouver ces informations dans chacun des parcours sur le site.
- Le spécialiste, lui, sera plus intéressé par la notion d’accessibilité aux services. Les étapes du parcours seront évaluées selon leur fonctionnalité.
- Pour le rêveur, c’est la qualité du parcours qui le préoccupera, aussi préféra-t-il les petites étapes, les parcours simples où la déconnexion au réel sera rapide pour rêver un peu.
- Le curieux, lui, voudra être surpris dans son parcours, il désirera des événements, des animations, des rencontres qui dérivent dans son voyage. Il sera sensible à tous les éléments qui lui proposent ces événements (affiches, info push-up, applications) pour interrompre ce parcours.
Ces vélotouristes produisent eux-mêmes leur voyage comme une pratique signifiante faite de discontinuités ou de continuités. Par des discontinuités, certains donnent du sens ou une signification, leur voyage produisant une « richesse » de parcours et une multitude de sens. Par la production d’éléments de continuité, d’autres « désémantisent » leur parcours vélo et l’automatisent réalisant celui-ci comme une étape vide de sens que tout un chacun fait dans une journée : s’habiller, déjeuner, conduire, etc. Il nous faudra mettre en place une série de parcours types lors de la production du médium qui servira à proposer le service à l’usager. Ce projet souligne l’importance de ces comportements qui, pris sur l’ensemble du processus, font sens. Ces usages révèlent ainsi une activité sémiotique où il y a production de sens structuré, déstructuré qu’il nous faut étudier et comprendre. Ce travail favorise le choix d’une première cible test pour lancer tout projet de manière durable. Une fois étudiés, ces écosystèmes et ces interactions nous donneront les informations sur leurs parcours, le temps, les lieux, les interactions que les cyclotouristes font intervenir pour « vivre » leur parcours à vélo.
[1] https://www.au5v.fr/IMG/pdf/rapport_economie_du_velo_-_altermodal.pdf, étude réalisée par l’ensemble des acteurs du tourisme à vélo : Ministère de l'écologie, de l'énergie, du Développement Durable et de la Mer, Ministère de l'économie, de l'Industrie et de l'Emploi DGCIS, Ministère de la Santé et des Sports, Conseil National des Professions de Cycles, Association des Départements Cyclables, Club des Villes et Territoires Cyclables, ATOUT FRANCE
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